Valeurs écologiques des forêts anciennes

Une forêt naturelle européenne peut accueillir plus de 10 000 espèces. La réserve de la Massane, dans les Pyrénées catalanes, compte plus de 6 800 espèces sur à peine 330 ha, la grande forêt de Fontainebleau et ses réserves intégrales plus que centenaires plus de 11 000 ! Cette biodiversité est riche d’espèces rares, à faible capacité de dispersion, inféodées au seuls écosystèmes peu perturbés par l’homme. 30% de cette biodiversité est liée à la présence du bois mort ou des vieux arbres.

Résilience

Une forêt naturelle est un écosystème complexe. Complexe par la diversité des espèces qui la constitue et qui sont autant d’organismes qui vivent et s’adaptent de façon variée. Complexe également par l’hétérogénéité de sa structure (stratifications, mosaïque des âges, phases dynamiques) et de ses processus fonctionnels (perturbations). L’écosystème naturel présente ainsi à la fois une grande résistance et un potentiel de régénération autonome (résilience) extrêmement efficace face aux perturbations, y compris les plus fortes comme les changements climatiques. Diversité et naturalité sont l’assurance-vie des écosystèmes en des temps de changement.

Stockage du carbone

Le carbone en forêt se répartit entre trois stocks : le peuplement vivant, le bois mort et le sol. 30% du carbone est stocké dans le sol. Or les forêts anciennes possèdent un sol très épais et significativement plus riche en matière organique que les anciens sols cultivés pendant des siècles puis récemment reboisés. Ces forêts sont des puits de carbone d’un intérêt indéniable et scientifiquement démontré.

10 espèces phares

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L’ours

« Pour moi, voir un ours était à la fois un rêve fabuleux et une nécessité de l’existence normale » (Robert Hainard, 1948, Les mammifères sauvages d’Europe).

L’ours, vieux roi puissant et sage des forêts sauvages, a pourtant bien failli disparaître du territoire français. Depuis 1977, le WWF participe aux mesures de sauvegarde de l’ours brun dans les Pyrénées (notamment en appuyant les associations locales), et cherche à améliorer la coexistence entre le pastoralisme de montagne et les grands carnivores (ours et loup).

Le pic noir

Le pic noir est plus facile à entendre en forêt qu’à photographier ! Et pourtant, il est de grande taille, son plumage noir et la calotte rouge de son crâne ne sont pas très discrets. Il habite les vastes forêts mixtes de hêtres et conifères à gros bois. Il est particulièrement friand des larves d’insectes saproxylophages, qu’il trouve dans les bois en décomposition et sculpte ses loge pour la nidification dans des arbres de grosses dimensions. On ne le trouve par conséquent que dans des forêts avec une certaine maturité et un volume de bois mort suffisant.

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Le pique-prune

Autrefois commun, le pique-prune disparaît peu à peu du territoire français. Le pique-prune est un coléoptère qui habite les cavités creusées et remplies de terreau que l’on trouve uniquement sur les très vieux arbres encore debout mais déjà sénescents. Or, dans les vieilles forêts, son milieu naturel, l’exploitation forestière a fait disparaître les très vieux arbres, refuges et garde-manger du pique-prune.

Le murin de Bechstein

Cette chauve-souris de taille moyenne, reconnaissable à ses longues oreilles et à son pelage très contrasté, brun sur le dos et blanc sur le ventre, est inféodée aux forêts matures. Elle y trouve à la fois le gîte (fissure, écorce décollée si l’individu est isolé, ou plus grande cavité telle des trous des pics pour les groupes), et pour le couvert des insectes divers chassés dans le sous-étage ou la canopée. Comme toutes les espèces de chauve-souris française, le murin de Bechstein est protégé au niveau national et européen (Natura 2000).

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Le muguet

Cette petite plante à fleurs bien connue, tant pour son parfum que pour son rôle de porte-bonheur, est également très intéressante pour les scientifiques et les naturalistes, car c’est une espèce indicatrice. Lorsque l’on trouve du muguet en forêt, on peut dire que la forêt où l’on se trouve est ancienne. Le muguet se propage très lentement, par graine et grâce à ses rhyzomes, et ne peut survivre à un labour. Aussi n’est-il pas présent dans les forêts récentes, qui ont été mises en culture à une époque même lointaine.

La salamandre tâchetée

Animal légendaire lié au feu des alchimistes, les espèces de salamandre sont douées de capacités de régénération étonnantes. En hiver ou dans la journée, la salamandre tachetée trouve refuge dans les cavités de pied des vieux arbres des forêts feuillues, dans des souches pourries, ou sous des feuilles. On la rencontre des plaines aux montagnes, mais jamais au-dessus de 1000 m. Toutes les espèces de salamandre sont protégées.

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Le champignon Hericium

Différentes espèces de Hericium peuvent couvrir de vieux individus des forêts naturelles. Ces espèces sont indicatrices de maturité des peuplements. Ce champignon possède par ailleurs des propriétés médicinales intéressantes : il stimule la synthèse d’un facteur essentiel de croissance des tissus nerveux, des cellules nerveuses et rétiniennes. La protection des forêts anciennes à haute valeur de conservation et ses milliers de champignons méconnus présentent bien des applications !

La syrphe Sphiximorpha

Ces élégants diptères sont souvent confondus avec des hyménoptères, dont ils imitent les couleurs vives. Il existe plus de 500 espèces de syrphes en France, dont certaines migratrices au long court. Certaines espèces de Sphiximorpha sont bioindicatrices des vieilles forêts. On les trouvent par exemple dans les secteurs les mieux préservés.

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Le lichen pulmonaire

Les lichens des forêts naturelles sont nombreux mais méconnus. Et pourtant, ce sont des espèces qui présentent un grand intérêt écologique; Certaines sont des espèces indicatrices. Lobaria pulmonaria, facilement identifiable par son thalle de grande taille, est un indicateur de vieille forêt peu perturbée. Il mériterait bien que l’on prête un peu plus d’attention à sa présence…

La mousse Zygodon forstieri

Zygodon forsteri est une espèce de mousse très rare en Europe (inscrite au Livre rouge européen). C’est une mousse très exigeante qui se rencontre sur les blessures des chênes. Mais pas n’importe quelle blessure ! Le Zygodon ne se développe que là où l’eau déborde d’une cavité creusée dans le tronc d’un arbre. Ces conditions sont très rares dans les forêts jeunes ou gérées, où les arbres blessés sont éliminés. Cette espèce est indicatrice d’une forêt mature.

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